Les Éditions Iwacu sont fières d’accueillir dans leur catalogue un ouvrage qui pose la question essentielle : qui sommes-nous vraiment, nous Burundais ? Avec “Umurundi : une identité inclusive”, Eric-Innocent Harerimana signe bien plus qu’un essai politique – il livre un manifeste pour l’unité nationale.

L’ouvrage d’Harerimana refuse le fatalisme : s’appuyant sur quinze exemples internationaux – de la Tanzanie à l’Inde, de la Malaisie au Canada –, il démontre qu’aucune division n’est insurmontable.
À l’heure où une nouvelle génération cherche ses repères, cet essai lui tend un miroir : celui d’une identité burundaise fière, décolonisée, unie. Rencontre avec un auteur qui a fait du chemin de l’exil une école de lucidité.
Rencontre par Antoine Kaburahe

Eric Innocent Harerimana, vous vivez en Belgique depuis de nombreuses années, travaillez dans l’administration flamande et êtes engagé dans l’intégration des migrants. Comment votre parcours d’immigré a-t-il nourri votre réflexion sur l’identité burundaise ?
Déjà, mon séjour et mes études aux Pays-Bas m’avaient ouvert les yeux sur les questions d’identité. Là-bas, j’ai côtoyé des Surinamiens, des Indonésiens, des Turcs, des Marocains, des citoyens hollandais de Curaçao et plusieurs ressortissants de pays africains actuels. Ce qui m’a frappé, c’est qu’on pouvait facilement identifier toutes ces personnes par leurs langues, traditions culinaires et cultures. D’autre part, elles étaient parfaitement intégrées dans la société hollandaise.
Cette observation aux Pays-Bas s’est-elle confirmée en Belgique ?
En Belgique, où pas mal de Burundais vivent à côté d’autres migrants, la situation est presque identique à celle des Pays-Bas. On reconnaît facilement un Burundais dans les rues de Bruxelles, Liège, Louvain-la-Neuve, Anvers, Dendermonde ou Charleroi. Les Belges de souche savent aussi les distinguer par rapport aux autres immigrés. Ceci m’a poussé en partie à écrire ce livre car, malgré mon long séjour en Europe, on me renvoie toujours à mon identité de mon pays de naissance.
Dans la dédicace, vous écrivez à vos enfants : “Quand vos camarades vous charrient sur vos identités et votre origine, sachez quoi leur répondre !” Cette phrase est poignante. Pouvez-vous nous raconter ce qui se cache derrière ces mots ?
Vous savez, les questions identitaires sont aussi saisissantes qu’aiguës dans une Belgique divisée en régions, communautés linguistiques avec des niveaux de pouvoir très complexes. Nos enfants qui naissent et grandissent ici sont comme des curiosités pour leurs petits camarades. Ils maîtrisent la langue et la culture locales ; ils se distinguent en classe, etc. Leur singularité suscite des questions parfois blessantes de leurs camarades comme “quand allez-vous retourner chez vous ?” ou “vous viviez dans une maison ou une hutte chez vous ?” ou encore “parlez-nous africain”. Cela blesse nos enfants. Nous essayons de leur enseigner le kirundi, de leur enseigner l’histoire du Burundi afin de les rendre fiers de ce qu’ils sont. Ce livre fait partie de ce processus.
Votre essai est court, presque lapidaire. Pourquoi ce choix ? Votre essai s’appuie sur 15 exemples internationaux – de la Tanzanie à la Suisse en passant par le Brésil. Pourquoi avoir choisi cette approche comparative plutôt qu’une analyse purement centrée sur le Burundi ?
Sachant que les Africains en général et les Burundais en particulier ne lisent pas beaucoup, j’ai voulu écrire un livre court et concis, facile à lire. Un livre qui va droit au but. Étant enseignant de formation, j’ai fait en sorte que les 15 exemples suivent méthodologiquement un même schéma. Ce sont de courts chapitres que l’on peut lire aisément sans se soucier de la chronologie.
Quant à mon approche comparative, c’est un clin d’œil aux Burundais qui n’ont pas la chance de voyager pour apprendre des autres pays. “Akanyoni katagurutse ntikamenya iyo bweze”. Notre pays n’est pas le seul au monde à avoir été confronté aux divisions qui ont conduit à l’effusion du sang. En décrivant brièvement les défis rencontrés par d’autres pays, je veux donner l’espoir aux Burundais en démontrant que le piège ethnique est surmontable. Si tous ces pays cités comme exemples s’en sont sortis, pourquoi pas le Burundi ?
Vous affirmez que “nous sommes une même ethnie, l’ethnie des Burundais”. C’est une position forte, presque radicale. Comment pensez-vous convaincre ceux qui sont profondément ancrés dans les divisions ethniques actuelles ?
Je suis de “la génération 1993”. De par les violences aveugles qui ont emporté la vie de mon père à Nyabikere (Karuzi), j’ai eu le temps de faire mon deuil. J’ai compris que des personnes qui parlent une même langue, habitent un même espace géographique et partagent une même culture et une foi en Imana ont le choix de vivre et s’épanouir ensemble en harmonie comme Burundais ou périr ensemble. J’ose espérer que les Burundais choisiront l’option de l’unité. À ceux qui sont encore profondément ancrés dans les divisions ethniques, qu’ils ouvrent grandement les yeux pour remarquer le retard qu’accuse le Burundi dans plusieurs domaines à cause de ce poison ethnique. Je pense que les jeunes générations y sont moins sensibles car elles aspirent à une meilleure vie, celle qu’elles découvrent via les réseaux sociaux et autres nouvelles technologies et ce qu’elles découvriront en lisant mon essai. C’est mon pari.
Vous consacrez un chapitre à la “décolonisation des mentalités”. Concrètement, que signifie décoloniser son esprit pour un Burundais en 2025 ?
Décoloniser son esprit en 2025, c’est d’abord se dire que le Burundais est capable. Ensuite, se demander ce qui distingue un Burundais d’un ressortissant d’un autre pays. Enfin, oser puiser dans notre patrimoine politico-culturel et spirituel l’essence de l’être Murundi pour refonder une identité spécifique burundaise. C’est aussi oser regarder en face l’héritage colonial dans beaucoup de domaines, faire le tri, adapter là où c’est possible tout en se référant au socle de l’être Murundi. Une conscience nationale – pas nationaliste au sens du repli sur soi et rejet de l’autre – est nécessaire : mettre en place des politiques du kirundi, adapter les lois, la politique et les programmes scolaires aux réalités locales, cultiver une fierté nationale en restaurant par exemple la culture de l’hospitalité qui caractérisait jadis les Burundais.
Ce programme semble ambitieux. Quelles sont les conditions concrètes pour y parvenir ?
Effectivement, tout ceci demande de la résilience : guérir les traumatismes causés par les cycles de violences endurés, avoir une vision de paix durable en impliquant chaque citoyen sans distinction, travailler beaucoup pour s’en sortir économiquement, endiguer la corruption en s’appuyant sur une justice impartiale.
Plus de 63 ans après l’indépendance, pourquoi était-il urgent pour vous d’écrire ce livre aujourd’hui ? Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre la plume ?
63 ans, c’est beaucoup. Je remarque que l’appel du Prince Louis Rwagasore, héros du recouvrement de la souveraineté nationale 65 ans plus tôt, n’a pas été entendu. Ses idéaux ont été trahis. Étant un fan inconditionnel du prince, ce fut un devoir pour moi de rappeler ce qui était essentiel dans son combat : rassembler les Burundais sans distinction aucune pour une cause commune. Cette cause fut l’indépendance dans tous les domaines, à commencer par la liberté et le rêve d’une nation prospère où chaque Burundais se sent épanoui.
Dans votre prologue, vous évoquez les “années sombres” et les blessures que beaucoup portent encore. Écrire ce livre a-t-il été une démarche thérapeutique pour vous aussi ?
Oui, ce fut une thérapie ! J’ai pu exprimer ce qui me tenait à cœur depuis 1993 de façon pédagogique. Je ne voulais pas écrire un témoignage ou des mémoires. Cela aurait troublé la jeunesse pour laquelle j’écris, elle qui n’a pas connu ces périodes sombres. Je voulais lui léguer quelque chose de plus instructif et lui faire voyager à travers les 15 exemples tirés de pays du monde entier.
Vous dédiez spécialement cet essai aux jeunes Burundais. Quel dialogue espérez-vous ouvrir avec cette génération qui n’a pas toujours connu directement les guerres civiles ?
Mon rêve est que cette jeunesse apprenne à lire. Le niveau du français a considérablement baissé. Ce livre est une modeste contribution à ce problème structurel. En lisant, cette jeunesse se fera une idée de comment les autres pays ont procédé pour s’en sortir.
Au lieu d’entendre certains de nos aînés parler de ces guerres civiles, il est préférable que les jeunes prennent de la hauteur pour lire, à tête reposée, et faire leur propre jugement.
Soyons francs : certains pourraient dire que votre livre est très “idéaliste”. Comment répondez-vous à ceux qui pensent que ces divisions sont trop profondes pour être surmontées ?
Tout commence par un idéal, celui de construire. Rien n’est insurmontable, il suffit de le vouloir. Franchement, je ne connais aucun Burundais qui ne soit las de ce poison ethnique. Beaucoup voudraient s’en débarrasser mais manquent d’inspiration et de leadership visionnaire. Qu’ils trouvent dans ce livre une graine qui fera germer une prise de conscience de ce qui les rassemble réellement : être burundais.
Si votre livre pouvait avoir un impact concret sur le Burundi, quel serait-il ? Rêvez à voix haute pour nous : qu’aimeriez-vous voir changer ?
Que tous les jeunes du secondaire et de l’enseignement supérieur lisent ce livre. J’aimerais qu’ils expérimentent l’honneur et la fierté d’être Burundais tout simplement !Dans le monde actuel, rien ne vaut une identité : on vous reconnaît presque en tant qu’humain car vous provenez d’un pays qui est connu, prospère, qui se respecte et se distingue singulièrement par des valeurs universelles d’unité et d’humanisme.
Propos recueillis par Antoine Kaburahe
QUI EST ERIC-INNOCENT HARERIMANA ?
Originaire du Burundi, Eric-Innocent Harerimana est diplômé de l’University of Applied Sciences Utrecht aux Pays-Bas. Après avoir enseigné, il a entamé une carrière dans l’administration flamande en Belgique depuis 2012.
Président-fondateur d’Africa Network Brabant, il œuvre pour l’intégration des étrangers en Belgique à travers des projets innovants comme “Langue en pratique” et un magazine en néerlandais facile pour primo-arrivants, adoptés par les 68 communes du Brabant Flamand.
Auteur de plusieurs recueils de poésie et d’aphorismes, il a notamment transcrit en vers le célèbre chant “Inanga ya Maconco”. Il représente la Famille Royale du Burundi-Kukirimba Belgique, qui regroupe les descendants des Bami du Burundi vivant en Belgique.
LE LIVRE
Titre : Umurundi : une identité inclusive
Auteur : Eric-Innocent Harerimana
Éditeur : Éditions Iwacu
Genre : Essai
Préface : Professeur Gertrude Kazoviyo (Université du Burundi)
Postface : Professeur Emmanuel Ndindiye (Université Polytechnique Intégrée du Burundi)
Disponible sur AMAZON. (15 euros) .Vous pouvez commander ici
Disponible aussi en version Kindle( 5euros). Vous pouvez commander ici
Contact avec l’auteur : innohar@gmail.com
WhatsApp : +32 486 07 56 57
Contact avec l’Editeur : antoine@iwacupress.info
Source : https://substack.com/home/post/p-176118895